J’ai combattu. Comme un lion. Jusqu’à l’os.
Et oui, ce n’est pas encore fini. Le travail juridique et émotionnel continue. Mais malgré tout… quelque chose en moi murmure : c’est bon. Pas parce que tout est réglé. Mais parce que je sens que je peux respirer à nouveau. Que je peux, enfin, laisser reposer un instant.
Pour la première fois, j’ai accepté de l’aide. Quelque chose que je fais rarement. Non pas par orgueil, mais parce que j’ai longtemps cru que je devais tout porter seul. Cette fois-ci, non. Et oui, cela m’a donné une étrange culpabilité. Mais en même temps… cela m’a apporté du calme. Et pour ce calme, je suis profondément reconnaissant.

À un moment donné, j’ai réalisé que je ne combattais plus mes souvenirs.
Ils marchent simplement à mes côtés.
Pas comme un fardeau.
Mais comme ce qui fut un jour doux et réel.
Ces derniers jours m’ont montré combien il peut y avoir de douceur dans ce qui semble insignifiant. Une promenade matinale. Un verre sur une table. Une rencontre inattendue avec quelqu’un qui séjourne dans sa voiture. Un couple qui m’avait déjà perçu l’année dernière — et qui réapparaît aujourd’hui avec des questions, de la compréhension, et des promesses.
Aujourd’hui, j’ai croisé un jeune homme sur la plage.
En vacances depuis cinq jours, dormant dans sa voiture.
Perdu dans ses pensées. Vodka-cola à la main. Pas de jugement. Juste de la douceur.
Cela m’a touché.
Non pas pour qui il était, mais pour ce qu’il reflétait.
Autrefois, j’aurais pensé : “Il vit dans sa voiture.”
Mais ce n’est pas pareil.
Quelqu’un qui séjourne temporairement n’est pas sans destination.
Et ça m’a rappelé quelqu’un d’autre.
Quelqu’un qui, lui, vivait vraiment dans sa voiture.
Et tout à coup, le silence est revenu.
Parce que même dans le calme… tout reste encore un peu vivant.
Je réalise de plus en plus que le manque ne disparaît pas.
Et peut-être que ce n’est pas nécessaire.
Les souvenirs restent vivants.
Mais ils commencent à bouger.
Ils font moins mal.
Ils deviennent plus doux. Plus reconnaissants.
Je sais combien de douleur j’ai portée.
Mais je sens aussi que j’apprends, lentement, à ne plus voir cette douleur comme une blessure,
mais comme le témoin de quelque chose qui fut vraiment réel.
Peut-être que c’est juste une période intermédiaire. Une pause.
C’est les congés judiciaires, non ?
Alors je laisse tout reposer. Pas parce que j’ai oublié. Mais parce que maintenant, j’ose le poser.
Et c’est peut-être la plus grande victoire de toutes.
Réflexion
J’ai appris que laisser entrer n’est pas une faiblesse. Que je n’ai pas à tout faire seul. Et que les souvenirs deviennent plus doux quand je cesse de vouloir les contrôler.
Approche psychologique :
• Autonomie relationnelle
La vraie autonomie, c’est choisir qui tu laisses entrer ou non. Accepter de l’aide peut être une forme de force, tant que cela vient d’un choix, pas d’un besoin.
• Culpabilité face au repos ou à la guérison
Ceux qui ont longtemps vécu en mode survie ressentent souvent de la culpabilité dès qu’ils ralentissent. Cette culpabilité cache souvent une ancienne croyance : « je dois prouver ma valeur pour exister. »
• Souvenir comme mouvement intérieur
Quand un souvenir ne reste plus figé dans la douleur, mais commence à bouger, il devient direction plutôt que poids.
• Miroir dans la rencontre
Parfois, une rencontre touche une corde en nous. Pas parce que l’autre fait quelque chose, mais parce qu’il reflète un morceau de nous-même. Comme ce jeune homme sur la plage. Ou ce couple, revenu à l’improviste.
• Le pouvoir réparateur de l’accueil
Accueillir n’est pas céder. C’est une action consciente : créer un espace pour le soutien, la douceur ou la paix — sans se perdre soi-même.
Résonances spirituelles :
• Dans le christianisme
Jésus a laissé Simon de Cyrène porter sa croix. Même le chemin d’amour n’est pas un parcours en solitaire. Accepter de l’aide n’est pas échouer, c’est reconnaître notre humanité.
• Dans le bouddhisme
S’arrêter n’est pas renoncer, c’est éveiller la conscience. La compassion commence par soi : accueillir ce qui est, sans jugement. Même la culpabilité peut exister, à condition de ne pas la croire.
• Dans le soufisme
« Laisse entrer ce qui veut venir, laisse partir ce qui veut s’en aller. » Le silence intérieur naît quand on cesse de lutter contre ce qui demande repos. L’abandon n’est pas une fin, mais un passage.
• Dans le taoïsme
La rivière ne combat pas les pierres, elle les contourne. La douceur est souvent la plus grande des forces. Celui qui accueille sans se dissoudre suit le courant, sans s’y opposer.
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